L’Insee élargit ses outils d’analyse économique en intégrant des indicateurs « carbone » aux comptes nationaux annuels. Cette initiative, dévoilée le 5 novembre 2024, répond aux recommandations de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2008. Ces nouveaux indicateurs visent à compléter le produit intérieur brut (PIB) en prenant en compte les impacts environnementaux et sociaux, afin d’offrir une vision plus globale des performances économiques.
Empreinte carbone et émissions importées
En 2023, l’empreinte carbone de la France s’élevait à 644 millions de tonnes de CO2 équivalent (MteqCO2), soit 9,4 tonnes par habitant. Ce chiffre, qui inclut les émissions importées, dépasse largement les 403 MteqCO2 des seules émissions résidentes. Près de 45 % des émissions sont d’origine française, tandis que les importations chinoises et européennes représentent respectivement 10 % et 13 %. Cette différence met en lumière la nécessité d’analyser les flux internationaux pour mieux comprendre l’impact environnemental de la consommation française.
Les efforts de décarbonation par secteur
Entre 1990 et 2023, les émissions résidentes ont diminué de 31 %, tandis que la valeur ajoutée des secteurs clés, comme l’industrie ou l’énergie, a augmenté. Toutefois, certains domaines, tels que l’agriculture et les services, montrent une baisse plus modeste des émissions. Trois postes de consommation – l’alimentation, l’habitat et les déplacements – représentent à eux seuls 68 % de l’empreinte carbone, révélant des axes prioritaires pour la transition écologique.
Coût social du carbone et solvabilité intergénérationnelle
L’Insee propose deux nouveaux indicateurs expérimentaux : le produit intérieur net ajusté (Pina) et l’épargne nette ajustée (Ena). Ces outils reflètent les coûts des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur la capacité de production future. Par exemple, en 2023, le Pina diminue de 4 % par rapport au PIB standard, passant de 2 296 à 2 200 milliards d’euros. L’Ena, quant à elle, devient déficitaire, indiquant un problème d’insolvabilité pour les générations futures.
Le compteur carbone : une évaluation dynamique
Un compteur carbone, introduit pour mesurer les écarts entre émissions réelles et prévues, révèle un gain de 21 milliards d’euros en 2023 grâce aux efforts de réduction des émissions. Toutefois, les coûts de la transition jusqu’au zéro émission nette sont estimés à 929 milliards d’euros, soulignant l’ampleur des investissements nécessaires.
Une contribution au débat environnemental
Malgré ces avancées, l’Insee reste prudent face à la complexité de monétiser les externalités environnementales. Le climat se réchauffant à l’échelle mondiale, il est essentiel de considérer à la fois les flux (émissions) et les stocks (budget carbone alloué). Les nouveaux indicateurs ne prétendent pas remplacer le PIB mais enrichissent les discussions sur la transition écologique.
Ces outils permettent d’évaluer plus finement l’impact environnemental des politiques publiques et renforcent la prise en compte des enjeux climatiques dans les choix économiques et sociaux.
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